SCÈNE I
Ramiro, Torquemada
RAMIRO (entrant)
Señor Torquemada, horloger de Tolède?
TORQUEMADA (il se retourne, portant, enfoncée dans l’œil, la
petite loupe professionnelle)
Torquemada, c’est moi, Monsieur.
RAMIRO
Ma montre, à chaque instant, s’arrête.
TORQUEMADA
Voilà qui va des mieux, voilà qui va des mieux!
RAMIRO
Or, je suis à votre service
Muletier du gouvernement:
Connaître l’heure exactement,
En conséquence, est mon office,
Car chaque jour, à heure fixe,
Mes mulets doivent, sur leur dos,
Emporter les colis postaux.
TORQUEMADA
Voyons la montre?
(Il la prend et l’examine)
Elle est de style!
RAMIRO (gravement)
Oui, c’est un bijou de famille:
Mon oncle, le toréador,
Par elle fut sauvé des cornes de la mort.
Aux arènes de Barcelone,
Alors que le taureau fonçait,
Cette montre, en son gousset,
Le préserva de coup de corne.
Mais si le monstre par la montre fut arrêté,
C’est à présent la montre qui s’arrête!
TORQUEMADA
Nous allons donc la démonter.
SCÈNE II
Concepción, Torquemada, Ramiro
CONCEPCIÓN (à la cantonade)
Totor… Totor!…
TORQUEMADA
On m’appelle… Ma femme…
Totor est de Torquemada
Le diminutif plein de charme:
CONCEPCIÓN (entrant)
Eh quoi! Vous n’êtes point parti?
L’étourderie est sans égale!
Vous souvient-il plus qu’aujourd’hui,
Il faut aller régler, comme chaque jeudi,
Les horloges municipales?
TORQUEMADA
Mais quelle heure est-il donc?
RAMIRO
Comment?
TORQUEMADA
Que voulez-vous…
Les horloges, Monsieur, on n’entend plus leurs coups:
Ce serait à devenir fou!
CONCEPCIÓN (montrant les horloges)
Pourquoi, depuis le temps que je vous en réclame
Une pour ma chambre à coucher,
Garder ici ces deux horloges catalanes?
TORQUEMADA
Si vous croyez que c’est léger,
Une horloge, et facile à prendre!
CONCEPCIÓN (le regarde avec un mépris très significatif, et
prononce à mi-voix)
De force musculaire, oui, vous avez sujet
De vous montrer avare, oui, du moins, ménager:
Vous n’en avez pas à revendre!
(Haut)
Mais plus longtemps ne faites pas attendre
Les balanciers municipaux.
TORQUEMADA (s’apprêtant à sortir)
J’ai mes outils? J’ai mon chapeau?
RAMIRO (intervenant)
Pardon, Monsieur, pardon… ma montre?
TORQUEMADA
Je cours, mon cher Monsieur, je cours.
Demeurez jusqu’à mon retour!
CONCEPCIÓN (à part)
Voilà qui ne fait pas mon compte!
TORQUEMADA (à Ramiro)
Excusez-moi. Je reviens de ce pas:
L’heure officielle n’attend pas.
(Il sort)
SCÈNE III
Concepción, Ramiro
CONCEPCIÓN
Il reste, voilà bien ma chance!
Le jour de la semaine où mon époux est loin,
Mon unique jour de vacances,
Me sera-t-il gâté par ce fâcheux témoin?
RAMIRO (à part)
Il faut pourtant qu’avec la señora je cause;
Mais de quoi diable lui parler?
J’aurais mieux fait de m’en aller,
Car je n’ai jamais su dire aux femmes des choses.
CONCEPCIÓN (montrant à Ramiro l’une des deux horloges,
hésitante)
Cette horloge, Monsieur, la jugez-vous d’un poids
Tel, pour la déplacer, qu’il faille
L’effort de deux hommes ou trois?
RAMIRO
Ça, Madame? C’est une paille,
C’est une coquille de noix!
On lève ça avec un doigt,
C’est de la très petite ouvrage…
Votre chambre?…
CONCEPCIÓN
Au premier étage… Mais…
RAMIRO
Je vais l’y porter!
CONCEPCIÓN
Quoi! Vous consentiriez?
RAMIRO
C’est dit, Señora, je m’en charge!
CONCEPCIÓN
Je n’osais pas vous en prier…
RAMIRO
Il fallait oser, au contraire!
Tout muletier a dans son cœur
Un déménageur amateur!
Et voilà qui me va distraire
En attendant votre mari.
CONCEPCIÓN
Je suis confuse!
RAMIRO
Cela m’amuse!
CONCEPCIÓN (à part)
Tout s’arrange fort bien ainsi.
(A Ramiro, à haute voix, en lui montrant la porte à droite)
L’escalier est au fond du couloir que voici…
Vraiment, Monsieur, vraiment j’abuse!
RAMIRO
C’est moi, Señora, qui m’excuse:
Je fais si piètre mine, hélas! dans un salon!
Les muletiers n’ont pas de conversation.
(On entend Gonzalve faires des vocalises en coulisse, Ramiro
s’éloigne, emportant l’horloge sur son épaule.)
SCÈNE IV
Concepción, Gonzalve
CONCEPCIÓN (qui guette à la fenêtre)
Il était temps, voici Gonzalve!
GONZALVE (entrant)
Enfin revient le jour si doux,
Harpes, chantez, éclatez, salves!
Enfin revient le jour si doux,
Le jour où, d’un époux jaloux,
Ma maîtresse n’est plus l’esclave.
CONCEPCIÓN (passionnément)
Gonzalve! Gonzalve! Gonzalve!
GONZALVE
Enfin revient le jour si doux…
CONCEPCIÓN
Oui, mon ami, dépêchons-nous!
Ne perdons point, à de vaines paroles,
L’heure qui s’envole, et qu’il faut cueillir.
GONZALVE (déclamant)
L’émail de ces cadrans
Dont s’orne ta demeure,
C’est le jardin de mon bonheur,
Émaillé d’heures que l’on voit éclore et fleurir.
CONCEPCIÓN (impatiente)
Oui, mon ami…
(A part)
Le muletier va revenir.
GONZALVE
Cette image est très poétique!
J’en veux faire un sonnet et le mettre en musique:
«Le Jardin des heures»… sonnet!
CONCEPCIÓN (à part)
Si le muletier revenait!…
(Haut)
Oui, mon ami, mais profitons de l’heure unique!
Tiens, sens comme battait mon cœur en t’attendant!
GONZALVE (déclamant)
Horloge, c’est ton cœur, le rythme en est le même,
Ton cœur ballant, ton cœur battant…
CONCEPCIÓN (impatiente)
Oui, mon ami…
GONZALVE
Que, mélancolique, on entend:
«Le Cœur de l’horloge»… poème!
CONCEPCIÓN (à part)
Le muletier va revenir dans un instant.
(Haut)
Oui, mon ami, mais vois, le temps s’achève,
Où réaliser le beau rêve
GONZALVE (distrait)
La, la, la, la, la, la, la, la…
CONCEPCIÓN
Après lequel nous soupirons.
GONZALVE
Les baisers qu’appellent tes lèvres…
Egrèneront leurs carillons…
CONCEPCIÓN (excédée)
Oh!
(A mi-voix)
Oui, mon ami, mais l’heure fuit, prends garde:
Le temps nous est mesuré sans pitié.
GONZALVE
Ah! «Le Carillon des amours»… sérénade!
CONCEPCIÓN (avec dépit, apercevant Ramiro qui revient)
Et puis, voici le muletier!
SCÈNE V
Ramiro, Concepción, Gonzalve
RAMIRO
C’est fait, l’horloge est à sa place.
CONCEPCIÓN
Déjà? Ah! Monsieur, que de grâces!
(A part)
Il n’y a pas à dire, il faut
Qu’à nouveau je m’en débarrasse!
(Haut)
Vous allez me trouver bien folle, cher Monsieur!
Comment vous faire cet aveu?
Donc, à peine étiez-vous parti
Avec l’horloge vers ma chambre,
(Montrant l’autre horloge)
J’ai réfléchi que celle-ci
Y serait mieux… Que vous en semble?
RAMIRO
Señora, c’est votre plaisir?
Je suis tout à votre service!
CONCEPCIÓN
Tant d’indulgence à mon caprice!
Ah! Monsieur, je me sens rougir!
RAMIRO (montrant l’autre horloge)
Voilà: c’est celle-ci, à l’instant, que j’emporte.
CONCEPCIÓN (vivement)
Quand vous aurez rapporté l’autre!
Quelle courtoisie est la vôtre!
Vous êtes un vrai paladin!
GONZALVE
C’est ainsi que ton cœur, éternel féminin,
Apparaît plus mouvant que les plis d’une jupe
«Caprice de femme»… chanson!
RAMIRO (s’éloignant)
Moi, ça m’est égal; ça m’occupe.
GONZALVE (lui lançant un regard dédaigneux)
Les muletiers n’ont pas de conversation.
SCÈNE VI
CONCEPCIÓN (ouvrant précipitamment le coffre de l’horloge)
Maintenant, pas de temps à perdre!
Là-dedans, vite, il faut entrer!
GONZALVE (tragique)
Dans cette boîte de cyprès,
De sapin, de chêne ou de cèdre?
CONCEPCIÓN
Oui, c’est fou, je te le concède,
Mais cède!
Songe donc : ici de nous voir
En tête-à-tête nul espoir!
Car le muletier à l’œil noir
Se dresse entre nous, et je tremble!
Au contraire, sans le savoir,
L’horloge et toi, tous deux ensemble,
Il vous emporte dans ma chambre!
GONZALVE
Il me plaît de franchir ton seuil,
Entre ces planches clos, comme dans un cercueil.
J’y goûterai des sensations neuves,
(Il s’installe dans l’horloge)
Et cette horloge, où m’enferme le sort,
O mon amante, est-ce pas une épreuve
De l’amour plus fort
Que la mort?
CONCEPCIÓN
Oui, mon ami…
(A part)
Il exagère!
SCÈNE VII
Iñigo, Concepción, Gonzalve dans l’horloge
IÑIGO (en passant devant la fenêtre)
Salut à la belle horlogère!
CONCEPCIÓN (fermant brusquement l’horloge – à Iñigo qui paraît
sur le seuil)
Don Iñigo Gomez! Qui peut ici lui plaire?
IÑIGO (entrant)
Sournoise qui le demanda!
Eh! Le seigneur Torquemada
Ne serait-il pas chez l’alcade?
CONCEPCIÓN
Vous voulez le voir?
IÑIGO
Dieu m’en garde!
Aurais-je, s’il n’était parti,
Pris le chemin de sa boutique?
Moi qui, précisément, usai de mon crédit
Pour faire confier à cet heureux mari
Le soin des horloges publiques?
Car il est raisonnable, il est juste, il est bon
Que l’époux ait dehors une occupation
Régulière et périodique.
CONCEPCIÓN
Don Iñigo Gomez est un seigneur puissant!
IÑIGO
Que ma puissance apparaît vaine,
Si, quand son mari est absent,
Certaine belle ne consent
A se montrer un peu moins inhumaine!
Vous seule pouvez tout…
(Il veut lui prendre la main)
CONCEPCIÓN (se dégageant, avec un regard inquiet vers l’horloge
où se cache Gonzalve)
Excusez-moi, Seigneur!
(Avec un regard inquiet sur l’horloge où se cache Gonzalve)
Parlez plus bas: les horloges ont des oreilles!
IÑIGO (plaintif)
J’attends de votre arrêt l’excès de mon malheur,
(Résolu)
Ou félicité sans pareille…
(Il la presse elle se dégage encore. On voit poindre l’extrémité de
l’horloge que Ramiro rapporte sur son épaule)
CONCEPCIÓN (dans la plus grande agitation)
Seigneur, excusez-moi!
(Elle aperçoit Ramiro qui rentre – le désignant à Don Iñigo)
J’ai les déménageurs!
SCÈNE VIII
Ramiro, Concepción, Iñigo
RAMIRO (posant l’horloge)
Voilà!… Et maintenant à l’autre!…
(Il va pour prendre la deuxième dans laquelle est enfermé Gonzalve)
CONCEPCIÓN
Celle-ci est peut-être un peu…
Je vous préviens – un peu plus lourde…
RAMIRO (chargeant la deuxième horloge sur son épaule)
Peuh!
C’est seulement que l’on dirait que ça ballotte,
Mais ça n’en est pas plus ardu…
C’est moins le poids, ces objets-là, que le volume:
Car, pour le poids, c’est un fétu,
C’est une plume!
(Et, ce disant, il fait passer l’horloge d’une épaule à l’autre avec une
aisance prodigieuse)
On porte ça, les bras tendus,
Des combles jusques à la cave…
CONCEPCIÓN (à part)
Cet homme a des muscles de fer!
Mais, s’il secoue ainsi Gonzalve,
Il finira par lui donner le mal de mer.
(Haut, à Ramiro)
Je vous accompagne…
RAMIRO (s’éloignant)
Inutile!
IÑIGO
Quoi! faut-il que vous me quittiez?
CONCEPCIÓN (à Iñigo)
Le mécanisme est très fragile,
Et notamment le balancier
Je demande pardon à Votre Seigneurie!…
(Elle s’éloigne)
SCÈNE IX
Iñigo
IÑIGO
Evidemment, elle me congédie:
Et s’il me fallait écouter
Les conseils de ma dignité,
J’abandonnerais la partie;
Cependant je n’ai qu’une envie
Et cette envie est de rester.
Dans ces conjonctures extrêmes,
Un amant, pensé-je, avec art,
S’introduirait dans un placard:
(Désinvolte)
Tant pis, ma foi, si je déroge!
Je conçois à l’instant le fantasque projet
De me cacher dans cette horloge:
Ces horloges sont les placards des horlogers.
(Il s’introduit avec effort dans l’horloge trop étroite pour sa
corpulence)
Ma mine imposante et sévère,
A la pauvrette faisait peur:
Montrons un autre caractère
Conforme à sa galante humeur,
Et que nous sommes, au contraire,
Dans le fond, un petit farceur!
(Entendant des pas)
Elle revient… Coucou…
(Ramiro paraît. Iñigo referme brusquement l’horloge)
C’est le déménageur!
SCÈNE X
Ramiro; Iñigo dans l’horloge
RAMIRO
Voilà ce que j’appelle une femme charmante:
Maintenant elle me demande
De venir garder la boutique…
Voilà qui est bien compris et pratique,
Et c’est ainsi qu’une maîtresse de maison
A chaque visiteur doit assigner un rôle
En rapport avec ses façons:
Moi, ma façon c’est mes épaules!
(Rêveur, il inspecte la boutique et fait marcher l’horloge à trompette)
Quand je vois ici rassemblés
Toutes ces machines subtiles,
Tous ces ressorts menus, à plaisir embrouillés,
Je songe au mécanisme qu’est
La femme, mécanisme autrement compliqué!
S’y reconnaître est difficile.
A Dieu ne plaise aussi que je m’arroge
Le soin minutieux d’en toucher les ressorts:
Tout le talent que m’a donné le sort
Se borne à porter les horloges…
SCÈNE XI
Concepción, Ramiro
CONCEPCIÓN (accourant vers Ramiro)
Monsieur, ah! Monsieur!
(A part)
Dans ma gorge, les mots s’arrêtent de dépit!
(Haut)
Traitez-moi de folle, tant pis!
Mais comment voulez-vous qu’en ma chambre je garde
Une horloge qui va, Monsieur, tout de travers:
(Douloureusement)
Quel martyre affreux pour mes nerfs!
RAMIRO
La rapporter, ça me regarde…
A tout à l’heure!
(Il sort)
SCÈNE XII
Iñigo, dans l’horloge ; Concepción
IÑIGO
(Entrouvrant l’horloge, à mi-voix)
Enfin, il part!
Dieu! Que ces muletiers sont de fâcheux bavards!
(Haut)
Coucou!…
(A part)
Amusons cette belle!…
(Haut)
Coucou!…
CONCEPCIÓN (se retournant vers l’horloge dont Iñigo a refermé
aussitôt la porte sur lui)
Tiens, l’horloge!…
IÑIGO (même jeu)
Coucou!…
CONCEPCIÓN (rageuse)
L’allusion est de haut goût,
Par saint Jacques de Compostelle!
Et le moment est bien choisi
Pour parler de coucou ici!…
IÑIGO (même jeu)
Coucou!…
CONCEPCIÓN (apercevant Iñigo)
Don Iñigo!
IÑIGO
Coucou!… Coucou!
(Noblement)
Oui da, vous avez devant vous
Don Iñigo Gomez, roi de la haute banque!
Et même y serais-je à genoux,
Si ce n’était que la place me manque…
CONCEPCIÓN
Cessez ce jeu, Don Iñigo, vous êtes fou!
IÑIGO
Oui, fou de toi, ô ma jolie!
Fou à faire mille folies!
Ceci n’est qu’un commencement,
Un tout petit exercice d’entraînement!
CONCEPCIÓN
Mais je n’en veux point davantage!
Tenez-vous-en là simplement!
Et sortez, je vous y engage,
De ce bizarre logement!
IÑIGO
Eh quoi! Lorsque j’eus tant de peine,
Tant de peine à entrer, faut-il déjà sortir?
Où il y eut beaucoup de gêne,
On mérite un peu de plaisir!
Manqué-je, à votre fantaisie,
De jeunesse, de poésie?
Trop de jeunesse aussi à son mauvais côté:
Un jeune homme est souvent inexpérimenté.
CONCEPCIÓN (nostalgique)
En vérité, en vérité!
IÑIGO
Un rien l’arrête et l’embarrasse!
Et les poètes, affairés
A poursuivre un rêve éthéré,
Oublient que la réalité sous leur nez passe…
CONCEPCIÓN (avec une conviction navrée)
Si vous saviez combien vous dites vrai!
IÑIGO
Un amant comme moi offre plus de surface!
SCÈNE XIII
Ramiro (entrant avec l’horloge où est enfermé Gonzalve)
RAMIRO (à Concepción, qui a fermé vivement l’horloge où se cache
Iñigo)
Voilà l’objet! Que faut-il que j’en fasse?
CONCEPCIÓN (indifférente)
Ah! L’horloge!… C’est bon! …merci! … Mettez ça là.
RAMIRO (après avoir posé l’horloge, montrant celle d’Iñigo)
Et maintenant, c’est celle-là,
Que dans votre chambre l’on place?
CONCEPCIÓN (troublée)
Dans ma chambre?
IÑIGO (par l’horloge entr’ouverte)
Dans votre chambre!
RAMIRO
Vous n’avez qu’un mot à dire, et je l’enlève!
CONCEPCIÓN (bas à Iñigo)
C’est un guet-apens!
IÑIGO (bas à Concepción, lui baisant la main)
C’est un rêve!
RAMIRO
Est-ce dit, Señora?
IÑIGO
O ivresse!
CONCEPCIÓN (se décidant brusquement)
Enlevez ! Mais ce n’est pas plus lourd?
RAMIRO (chargeant l’horloge sur ses épaules)
Goutte d’eau, grain de sable!
CONCEPCIÓN (le regardant, pleine d’admiration, cependant qu’il
emporte l’horloge, et Iñigo dans cette horloge, avec la plus grande
facilité)
A coup sûr, cet homme est doué!
SCÈNE XIV
Concepción, Gonzalve dans l’horloge
CONCEPCIÓN (ouvrant l’horloge où est Gonzalve)
Ah! vous, n’est-ce pas, preste! Leste!
Trêve aux poèmes étoilés!
Vous allez, j’espère, filer,
Et sans demander votre reste!
GONZALVE (extatique)
O impérieuse maîtresse, laisse!
CONCEPCIÓN (évasive et rageuse, entre ses dents)
La, la, la, la, la…
GONZALVE
Je veux graver ici nos chiffres enlacés
Autour d’un cœur, de flèches transpercé,
Comme font, emmi les sites sylvestres
Où l’amour complaisant égara leurs baisers,
CONCEPCIÓN (excédée)
Ah!
GONZALVE
Comme font deux amants sur l’écorce des trembles…
CONCEPCIÓN
Demeurez donc, si bon vous semble,
Mais n’attendez pas, s’il vous plaît,
Que j’écoute encore les couplets
De la romance, qui recommence:
Vous avez de l’esprit, mais manquez d’à-propos…
J’en ai assez, de vos pipeaux!
(Elle sort)
SCÈNE XV
Gonzalve, dans l’horloge
GONZALVE
En dépit de cette inhumaine,
Je ne veux pas quitter l’enveloppe de chêne
Où le destin me fit entrer,
Sans évoquer les nymphes des forêts
Qu’emprisonnait une semblable gaine.
On n’a pas toujours un motif
Pour traiter ce sujet au vif:
«Impression d’Hamadryade»…
(Entendant revenir Ramiro)
Mais prenons garde,
Car le muletier s’en revient:
Ces gens-là goûtent peu les symboles païens!…
(Il referme sur lui la porte de l’horloge)
SCÈNE XVI
Gonzalve, enfermé dans l’horloge, Ramiro, et puis Concepción
RAMIRO (entrant)
Voilà ce que j’appelle une femme charmante!
M’avoir si gentiment ce labeur ménagé,
Tantôt emménager, tantôt déménager!
Voilà ce que j’appelle une femme charmante!
Et puis cette boutique est un plaisant séjour:
Entre chaque montée, après chaque descente.
Nul importun, par ses discours,
N’y vient troubler ma quiétude nonchalante.
Rien à dire, rien à penser;
On n’a qu’à se laisser bercer
Au tic-tac régulier de tous ces balanciers!
Et les timbres de ces pendules
Joyeusement tintinnabulent
Tout ainsi que, par les sentiers
Muletiers,
Sonnent les grelots de mes mules.
Si je devais mon sort changer,
N’étais-je muletier, je serais horloger,
Dans cette horlogerie, avec cette horlogère.
CONCEPCIÓN (entrant brusquement, à Ramiro)
Monsieur!
RAMIRO
L’horloge encore ne fait pas votre affaire?
Bon! bien! Laissez, laissez! Je la vais rechercher!
(Il sort)
SCÈNE XVII
Concepción, Gonzalve enfermé dans l’horloge
CONCEPCIÓN
Oh! La pitoyable aventure!
Et faut-il que, de deux amants,
L’un manque de tempérament,
Et l’autre à ce point de nature!
Oh! La pitoyable aventure!
Et ces gens-à se disent espagnols!
Dans le pays de Doña Sol,
A deux pas de l’Estremadure!
Le temps me dure, dure, dure…
Oh! La pitoyable aventure!
L’un ne veut mettre ses efforts
Qu’à composer, pour mes beaux yeux, des vers baroques,
Et l’autre, plus grotesque encore,
De l’horloge n’a pu sortir rien qu’à mi-corps,
Avec son ventre empêtré de breloques!
(Mélancolique)
Maintenant le jour va finir,
Et mon époux va revenir
Et je reste fidèle et pure…
A deux pas de l’Estremadure,
Au pays du Guadalquivir!
Le temps me dure, dure, dure!
Ah! Pour ma colère passer,
Avoir quelque chose à casser,
A mettre en bouillie, en salade!
(Elle frappe du poing l’horloge où se tient Gonzalve)
GONZALVE (entr’ouvrant l’horloge)
«Impressions d’Hamadryade»…
SCÈNE XVIII
Ramiro, Concepción
RAMIRO (rapportant sur son épaule l’horloge qui renferme Iñigo)
Voilà!… Et maintenant, Señora, je suis prêt
À remporter dans votre chambre
L’autre horloge, si bon vous semble,
Voire même les deux ensemble…
(Il pose l’horloge et retrousse ses manches)
Ce sera comme vous voudrez!
CONCEPCIÓN (à part)
Quelle sérénité, quelle aisance il conserve,
Et comme il jongle avec les poids!
Il les soulève, les enlève…
RAMIRO
Señora, faites votre choix!
CONCEPCIÓN (à part)
Et toujours le sourire aux lèvres…
Vraiment cet homme a des biceps
Qui dépassent tous mes concepts…
Avec lui pas de propos mièvres!
(Haut, très aimable)
Dans ma chambre, Monsieur, il vous plaît remonter?
RAMIRO
Mais laquelle y dois-je porter
De ces horloges?
CONCEPCIÓN (simple et nette)
Sans horloge!
(Elle sort, précédée de Ramiro)
SCÈNE XIX
Iñigo et Gonzalve, chacun dans son horloge
(Iñigo entrouvre la porte de l’horloge. Un coucou chante. Il referme
précipitamment la porte. Il entrouvre de nouveau la porte. Une
horloge sonne. Il rentre)
IÑIGO (entrouvrant à nouveau l’horloge)
Mon œil anxieux interroge,
Mélancolique, l’horizon:
Amour, amour, méchant garçon,
A quelle enseigne tu me loges!
Comme on doit être bien chez soi,
Dans un large fauteuil, les pieds dans ses pantoufles!
Et je languis ici, tellement à l’étroit
Que cela me coupe le souffle!
Et personne pour me haler!
Personne!… Cordon, s’il vous plaît!
La porte! la porte! la porte!
(Il la referme sur lui, au bruit que fait Gonzalve entrouvrant, à son
tour, l’horloge)
GONZALVE
Il m’a semblé qu’on appelait?
Aussi bien, il est, je crois, sage
D’abandonner notre ermitage!
(Il sort de l’horloge)
Adieu, cellule, adieu, donjon!
Adieu, cuirasse et morion
Qu’au chevalier fit revêtir sa dame!
Adieu, tables du violon
Dont, poète-amant, je fus l’âme!
Adieu, cage pour ma chanson,
Cheminée aussi pour ma flamme!
Adieu!
(Apercevant par la fenêtre Torquemada qui rentre)
Sacrebleu! Voilà le mari!…
Pour nos éviter le souci
D’explications sans charme
Regagnons au plus vite un asile opportun.
(Il va pour rentrer dans son horloge, mais se trompe et ouvre celle,
plus proche, où se tient Iñigo)
Dépêchons!
IÑIGO (apparaissant dans l’horloge)
Il y a quelqu’un!
SCÈNE XX
Torquemada, Gonzalve, Iñigo que l’on voit blotti dans l’horloge
TORQUEMADA (entrant)
Il n’est, pour l’horloger, de joie égale à celle
De trouver au logis nombreuse clientèle!
Messieurs, soyez les bienvenus,
Et veuillez m’excuser: vous avez attendu.
IÑIGO (dans l’horloge, un peu embarrassé)
Mais comment donc, je vous en prie!
GONZALVE (avec un enthousiasme feint)
Vos montres sont de purs bijoux…
TORQUEMADA
(Le ramenant à l’horloge où se tient Iñigo)
C’est de cette horloge surtout
Que vous me direz des nouvelles.
IÑIGO
Devant que vous veniez, je la considérais
Précisément avec tant d’intérêt…
TORQUEMADA
La curiosité est toute naturelle!
IÑIGO
Qu’à l’intérieur j’ai voulu pénétrer
Pour examiner de plus près
Le fonctionnement merveilleux du pendule…
TORQUEMADA
Ouais!
Mais je ne trouve pas cela si ridicule!
Et, croyez-moi, vous en aurez pour votre argent!
Car vous prenez, bien entendu, l’horloge?
IÑIGO
Certes!
TORQUEMADA (à Gonzalve)
Allons, ne soyez pas jaloux!
(Montrant l’autre horloge)
J’ai la pareille au même prix: elle est à vous.
C’est une chance!
GONZALVE
Mais… sans doute!
(A part)
Impossible de dire non,
Il faut endormir ses soupçons
Mais que ce trafiquant âpre au gain me dégoûte!
TORQUEMADA
Eh bien! Nous voilà tous d’accord!
IÑIGO
Je voudrais seulement vous demander encore
De me tirer de cette boîte:
Car, soit dit sans reproche, elle est un peu étroite?
TORQUEMADA (tirant Iñigo et prenant Gonzalve par la main)
Veuillez seconder mes efforts, Monsieur…
(Tous deux tirent)
Hé la… là donc!… je t’en souhaite!
(Cependant que Torquemada et Gonzalve s’efforcent, Iñigo aperçoit
Ramiro qui revient, suivi de Concepción)
SCÈNE XXI
Iñigo, Torquemada, Ramiro, Concepción, Gonzalve
IÑIGO (appelant Ramiro)
Pardieu, déménageur, vous venez à propos!
TORQUEMADA (apercevant Ramiro)
Je l’avais oublié: où avais-je la tête?
(A Concepción)
Ma femme, vous non plus, vous n’êtes pas de trop!
(Torquemada, Gonzalve, Concepción font la chaîne attirant Iñigo,
mais la chaîne se rompt et Iñigo est toujours dans l’horloge. Ramiro
prend Iñigo à bras-le-corps et l’enlève de l’horloge le plus
naturellement du monde)
RAMIRO
Voilà!
IÑIGO
Sacrebleu, quelle poigne!
CONCEPCIÓN
De sa vigueur chacun témoigne.
TORQUEMADA (à Concepción)
Vous n’aurez pas encore d’horloge, chère amie…
CONCEPCIÓN (montrant Ramiro)
Régulier comme un chronomètre,
Monsieur passe avec ses mulets,
Chaque matin, sous ma fenêtre…
TORQUEMADA (à Ramiro)
Chaque matin donc, s’il vous plaît,
Vous lui direz l’heure qu’il est.
(Les acteurs viennent avec intention se placer sur le devant de la
scène, après s’être offert mutuellement, en des cérémonies
affectées, l’honneur de commencer l’adresse au public)
QUINTETTE FINAL
GONZALVE
Un financier…
IÑIGO
Et un poète…
CONCEPCIÓN (pouffant de rire)
Un époux ridicule…
TORQUEMADA
Une femme coquette…
TOUS
Un financier… Et un poète…
Un époux ridicule… Une femme coquette…
GONZALVE
Qui se servent pour leurs discours
De vers tantôt longs, tantôt courts…
Ah!
CONCEPCIÓN, TORQUEMADA, RAMIRO, IÑIGO
Qui se servent pour leurs discours
De vers tantôt longs, tantôt courts…
GONZALVE
Au rythme qui se casse,
A la rime cocasse…
CONCEPCIÓN, TORQUEMADA, RAMIRO, IÑIGO (avec
approbation)
Ah!
RAMIRO, GONZALVE, CONCEPCIÓN, TORQUEMADA, IÑIGO
Avec un peu d’Espagne autour!…
CONCEPCIÓN
C’est la morale de Boccace:
Entre tous les amants, seul amant efficace,
RAMIRO
Il arrive un moment, dans les déduits d’amour,
CONCEPCIÓN
Où le muletier a son tour!
TOUS
Il arrive un moment, dans les déduits d’amour,
Où le muletier a son tour!
RIDEAU |
STSEEN I
RAMIRO
Kas see kellassepp siin on senjoor Torquemada?
TORQUEMADA
See olen ma, just nii, senjoor.
RAMIRO
Mu kell sageli seisma jääb!
TORQUEMADA
See viga mööduv on, ma kohe korda sään!
RAMIRO
Lood on nii, end tutvustan nüüd,
posti muula seljas vean,
ja täpset kella teadma pean,
valitsust teenida mu püüd,
nii iga päev teataval ajal
postiveoks end valmis sean,
kroonuteeed alata nii saan.
TORQUEMADA
Kus on te kell?
See on ju aare!
RAMIRO
Jaa, mu pere aare on see.
Mu onu, kes toreadoor,
kell elupäästjaks sai, kui algas teine voor.
Kord areenil Barcelonas
härg ründas raevukalt meest.
Sama kell vestitaskus seal,
ta päästis härjasarve hoost.
Tol korral kell oli see ,is pidurdas härja
nüüd ise kell on see mis aina seisab.
TORQUEMADA
Ta kohe lahti võtma pean.
STSEEN II
CONCEPCIÓN
Totor!
TORQUEMADA
Minu naine, mind kutsub...
Totor meelitusnimi on see,
nii mind abikaas õrnalt hüüab.
CONCEPCIÓN
Ah nii? Te pole läinud veel?
Milline hajameelsus küll!
Kas meelest on läinud teil see,
et neljapäev on käes, üles keerata teil
tuleb täna raekoja kell.
TORQUEMADA
Palju kell siis on?
RAMIRO
Kuidas?
TORQUEMADA
Mis soov on Teil?
Kella helin senjoor, hulluks võib teha mind
Nii ei kuule ma ühtegi lööki
CONCEPCIÓN
Kuid miks, kui paluksin ühte neist
viia minu nagamistuppa,
hoiate kahte kataloonia kella siin?
TORQUEMADA
Arvate, et kerge töö on see,
võta kell ja trepist üles vii!
CONCEPCIÓN
Teil muskli jõudu tõesti, jah, mujal vaja läeb,
te hoidma peate end siis vast see alles jääb,
tuleb veelgi säästlikum olla!
Kuid aeg on käes nüüd rutake kõigest väest
rae pendlid ootavad ju Teid.
TORQUEMADA
Mu riistakott! Kus kübar on?
RAMIRO
Pardon, senjoor pardon... mu kell?
TORQUEMADA
Senjoor mul kibe rutt ma läen.
Te olge siin ma tulen pea
CONCEPCIÓN
Voila nüüd lõksus olen ma
TORQUEMADA
Pardon senjoor peagi olen ma siin.
Mind kroonutöö ootab seal.
STSEEN III
CONCEPCIÓN
Ta jääb, oh sa pagan küll!
vaid nädalas üks päev, mees kodunt ära läeb;
ainus päev mil olen vaba
ja sellegi peab rikkuma see tüütu tüüp.
RAMIRO
Mis teen ma nüüd, senjooraga vist juttu ajan.
Mis talle öelda võiksin ma?
Siit varem lahkuma ma pean
sest kuidas kohelda seda naist kui teaksin
CONCEPCIÓN
Kuidas arvab senjoor, kui üles viia too kast
on nii raske see, et vaja läeb
kahte või kolme meest!
RAMIRO
See, Madaam on õlekõrs
on kergem kui pähklikoor
ühe sõrmega tõsta võin maast.
üles see viia on lihtne.
Teie kambri?
CONCEPCIÓN
See esimene korrus... Kuid...
RAMIRO
Ma sinna ta viin!
CONCEPCIÓN
Mis te olete nõus
RAMIRO
Ma nüüd kohe kõik korda sead.
CONCEPCIÓN
Kuis julgen paluda küll Teid?
RAMIRO
Teie palve julgustab mind!
Jah ammust aast on hinges
mul veel säilinud kolimiskirg!
Kuni abikaas saabub
taas siin aega nüüd ma viitma pean.
CONCEPCIÓN
Oh küll on piinlik!
RAMIRO
See tühi asi!
CONCEPCIÓN
Tõesti korda mul läeb see päev!
Näete seal see pikk trepp minu kambrisse viib...
Mul piinlik see, et koorman Teid!
RAMIRO
Madam, minul piinlikum veel
Salongis tõesti ma näen armetuna välja
Sest muulamehel puudub vestlemisanne...
STSEEN IV
CONCEPCIÓN
Gonzalve hääl ta juba siin!
GONZALVE
On saabund meile kütkestav päev!
ja üllas laul kõlagu taas!
On saabund nüüd kütkestav päev
see ainus päev mil vaba sa
ja nüüd ei sega kiivas abikaas
CONCEPCIÓN
Gonzalve! Gonzalve! Gonzalve!
GONZALVE
On saabund nüüd kütkestav päev.
CONCEPCIÓN
Jah, mon ami, nüüd rutakem
sest iga hetk mida nautida saab
see kiirelt kaob, aja merre vaob...
GONZALVE
See aeg su kambris siin,
mis tulvil kella sära
on õnneaeg on paradiis
siin iga tund iga hetk on tulvil õisi
CONCEPCIÓN
Jah, mon ami...
kuid siiski ruttama ju peab
GONZALVE
õnne aeg see kõlab nii nüüd...
mõttes mõlgub sonett kirja panen ta nüüd...
"Oo tundide aed"... sonett!...
CONCEPCIÓN
Muulamees varsti on siin!...
Jah, mon ami, meil jäänud on vaid ainus tund...
ja kuula kuis mu süda küll lööb oodates sind!
GONZALVE
Süda mis hüpleb sul, sama kui tiksuv kell -
tik tak tik tak nii pendlit veab
CONCEPCIÓN
Jah, mon ami!
GONZALVE
Nukralt iga löök kostab sealt...
Su südame kell... kui poeem
CONCEPCIÓN
Mõne hetke pärast muulamees on siin...
Jah, mon ami, kuid aeg see möödub pea.
Kuis täide saaks viia see...
GONZALVE
La, la, la, la, la, la, la, la…
CONCEPCIÓN
mis valland on me südameid
GONZALVE
Suudlus kirg mis valland on meeli
veel kaunim on kui kella mäng!...
CONCEPCIÓN
Oh!
Jah, mon ami. kuid peagi möödub kõik
meil karmilt piiratud on iga hetk!...
GONZALVE
Ah! Tundide aed, kellamäng... Serenaad!
CONCEPCIÓN
No, nii! Sealt tuleb muulamees!
STSEEN V
RAMIRO
Nii nii kella paigale sain!
CONCEPCIÓN
Ah soo? Ah! Senjoor, Tänan teid!...
Ah pagan võtaks küll.
Kuis uuesti temast lahti küll saan...
Tõesti veider vist näin ma teile, kui vaid teaks
kuis teile küll ütlema peaks?
Just niipea kui lahkusite siit
mul tekkis mõte uus,
Ma mõtlesin veel parem too
mu kambri teeks... Kas pole nii?
RAMIRO
Señora, kas see on te soov?
Selle kella kambrisse viin!
CONCEPCIÓN
Tujukas vist olen küll ma
Ah! Senjoor, punastama pean!
RAMIRO
Hea küll Kella siit nüüd teie kambri ma viin...
CONCEPCIÓN
Kuid enne tooge alla too!...
Sellist rüütli meelt nagu teil!
Ma pole kusagil veel näind!
GONZALVE
Ah kui muutlikud on naiste südamed näib
nad on hullemad veel kui plisseeritud seelik!
"Üks naise kapriis"... Chanson!
RAMIRO
Nüüd kõik alla toon, teen mis vaja!
GONZALVE
Sel muulamehel vestlemislaad.
STSEEN VI
CONCEPCIÓN
Kähku nüüd kellakappi poe!
Aeg opn napp, no, nüüd kiirelt poe!
GONZALVE
Kas tõesti lämbuma ma pean
ootab mind surm tammest kirstus?...
CONCEPCIÓN
Jah, ma tean, et meeletu olen,
kuid olgu -
Näed ju küll: meil siin läheb
kohtumine nurja, mis küll saab!
See muulamees jälitab meid,
tal sünge on pilk, ja ma kardan!...
Aga nõnda kellaga koos
ilma et ta aimata võiks,
nii üles kambri sind viib!
GONZALVE
Üles kambri nüüd viib mu tee
tammepuust kirstus viibin kui kongis ma...
Nautida saan seal uusi tundeid,
See kellakapp kuhu saatus mind seab,
oo minu arm sulle tõendab pea,
võimsam armastus
surmast on!
CONCEPCIÓN
Jah, mon ami...
Kuis luiskab ta
STSEEN VII
IÑIGO
Teid tervitan ma kaunis proua!
CONCEPCIÓN
Don Iñigo Gomez! Mis teda siia tõi?
IÑIGO
Ta teeskleb alati nii!
hoh! Kas senjoor Torquemada.
Ei olegi linnapea juures?
CONCEPCIÓN
Teda näha soov?
IÑIGO
Taevas küll.
Kui kohtaksin ma teda siin,
kas oleks külastand ma teid?
Mina kel raha on ma tegin selleks kõik,
kõik teie heaks, et nädalas üks päev,
rae kelli ta hooldada saaks?
Arvan mõistlik on see, tõesti hea,
kui üks mees iga nädal üks päev, reeglipäraselt
naise pilgu alt eemal on
CONCEPCIÓN
Don Iñigo Gomez on võimukas mees!
IÑIGO
Mis loeb siin võim ja minu rikkus
ei võrreldav pole see siin
üks võluv sõna teie suust
ja lahke pilk palju rohkem on väärt!
Te võimuks on kõik.
CONCEPCIÓN
Palun üks hetk, senjoor!
Olge nüüd vait: nendel kelladel kõrvad peas!
IÑIGO
Te otsusest loeb kõik kas õnnetust see toob...
või ehk üleb õnn saabub meile.
CONCEPCIÓN
Senjoor teid palun ma
See mees mu mööblit veab!
STSEEN VIII
RAMIRO
Ma siin! Ülesse viin nüüd teise!
CONCEPCIÓN
Too seal võibolla on
hoiatan teid on pisut raskem...
RAMIRO
Pähh!
Tõtt öelda võib, see ainult siin küll veidi kõigub
Ta kaalult on sama kui too...
Siin tähtis vaid kuis on ta maht
ei loe siin kaal...
see kaalult on üks tühi tünn,
on lihtsalt sulg
kui udusulg kerge kui õhk
ta keldrist pööningule viin...
CONCEPCIÓN
Tol muskel on tugev kui raud
kuid kui Gonzalve kõigub seal,
lõpeb see nii, mu kallim merehaigeks jääb...
Ma saatma teid pean...
RAMIRO
Mis te nüüd
IÑIGO
Kuis Te maha jätate mind?
CONCEPCIÓN
Too mehhanism on väga õrn,
eriti pendlit hoidma peab...
Auväärt isand, teilt vabandust palun nüüd ma!...
STSEEN IX
IÑIGO
Kas tõesti nüüd jooksupassi ma sain
Ja kui ma kuulda võtma peaks
mis mul soovitab uhkus au
seda mängu ma kaasa ei teeks...
Mu hinge vallanud on kirg;
ma siia jään see on mu soov!
See olukord annab mul tõuke
ideeks mis teeks iga mees,
kallima seinakappi poen.
On halb kui nüüd ma teeksin vea!
Praegu just tekkis peas tõesti veider idee:
end kellakappi peitma pean.
Kellad kellasseppadel seinakapiks on.
Et pilk on mul karm seda tean
vaesekest hirmutas vist see.
Nüüd muutma karakterit pean
ja püüan tuju tõsta veel
Vast siis ka minul elus veab
kui veidi leebem on ta meel!...
Sealt tuleb ta!... coucou!...
Mööblivedaja see!
STSEEN X
RAMIRO
Vaat see on alles naine šarmantne kui daam!
Just praegu palus ta mind,
et poodi ma valvama jääks...
Jah see praktiline tõesti on nii,
just nii üks tõeline perenaine teeb.
Tal ette nähtud siin kõigile roll,
mis meile ju võimetekohane on.
Ma, minu võimed on minu õlad
Kui ma vaatan neid kõiki mehhanisme
mis läbisegi põimitud siin
vedrud ja rattad kõik... seda aimata võin
Kui keeruline mehhanism on
naine, komplitseeritum kelladest veel!
Ei sellest aru ma ei saa!
Suur Jumal kaitsku mind, et mul ei tekiks
nüüd soov tema vedrusid katsuda siin.
Kõik mis mul jäänd ja saatus määrand on
ma kelli siin vedada võin...
STSEEN XI
CONCEPCIÓN
Senjoor! Oh! Senjoor!
Mis küll teha sõnad mul kurgus kinni on.
Olen tõesti hull, mis sest...
Olgu nii kuidas on kuid mu kambris
veel hoida üht kella mis seal, Senjoor, valesti käib!
Kuidas see küll närve mul sööb!
RAMIRO
Tagasi toon See on mu töö...
Peagi ma siin!
STSEEN XII
IÑIGO
Ta läks, ta läks!
Ah, küll see muulamees on tüütu lobamokk!
Coucou!
Nüüd veidi nalja teen!
Coucou!...
CONCEPCIÓN
Näe, see kell!...
IÑIGO
Coucou!...
CONCEPCIÓN
Püha Jakobus hoia mind see on täielik illusioon!
Seal istub mees kel sarved peas
tahab meeldida vanas eas!
IÑIGO
Coucou!...
CONCEPCIÓN
Don Iñigo!...
IÑIGO
Coucou!... Coucou!...
See nii teie ees seisab taas
Don Iñigo Gomez ja mul on palju raha
ma teie ees põlvitaks siin
kui seda võimaldaks siin see ruum...
CONCEPCIÓN
Jätke see mäng, Don Iñigo te olete hull!
IÑIGO
Jah tõesti hull, et sind nii ihkan.
Teie kõrkust praegu kuis vihkan!...
Suurt õnne leida on mu püüd,
see praegu on vaid eelmäng, prelüüd!...
CONCEPCIÓN
Teostuselt on nõrk te prelüüd
ma kuulata seda ei saa!
Mulle siin jätkub te etüüdist
Nüüd kohe vabastage loož!
IÑIGO
Kuis nii! Alles etendus käib,
seda looži nüüd ma ei vabaks anda saa.
Ma selleks palju vaeva näind
pisut armu pälvida võin...
Võibolla arvate, et mul puudub
noorus või ka poeesia?
Ka liigsel noorusel on oma halvad küljed:
Noortel sageli kogemusi vähe on!
CONCEPCIÓN
Tõepoolest see... õige on see!...
IÑIGO
Noortel ju tuul keerleb peas!
Või ka poeet, keda
luuletamiskirg kõrgusse veab
unustab, et tõelisus tal ina alt mööda läeb
CONCEPCIÓN
Kui te vaid teaks kui õige on see!...
IÑIGO
hoopis kindlam mees minu näol on teie ees!
STSEEN XIII
RAMIRO
Siin ongi kell!... kuhu asetan ta?
CONCEPCIÓN
Ah! See kell! Hea küll!... Merci!... See pange sinna...
RAMIRO
Ja nüüd siis sel järjekord käes
Ma ülesse kabri ta viin?
CONCEPCIÓN
Minu kambri?...
IÑIGO
Just teie kambri.
RAMIRO
Ainus sõna teie suust ülesse viin
CONCEPCIÓN
See on lausa lõks!
IÑIGO
See on õndsus...
RAMIRO
Madam, jääb siis nii?
IÑIGO
O mu kallim
CONCEPCIÓN
Viige nüüd... Kuid see kell raskem on?
RAMIRO
Vetepiisk liivatera
CONCEPCIÓN
Näha on et tal on võimed
STSEEN XIV
CONCEPCIÓN
Ah! Uh! Teie siin! Ruttu! Kähku!
Aitab poeemidest küll!
Nüüd kärmelt laske jalga
ilma pikema jututa nüüd!
GONZALVE
O, võimukas käskijanna armu!
CONCEPCIÓN
La la la la la la la la la la...
GONZALVE
Jäädvustet siia on me nimedest embleem
mil süda on ja südant läbiv nool.
Nii kui meil kel hinges armastus lõõm
mille värinaid taas varjab suudluste loor
CONCEPCIÓN
Ah!
GONZALVE
Hinge värinaid taas varjab suudluste loor
CONCEPCIÓN
Hea küll senjoor te jääge siia
ma lahkuma pean igav mul
on te laul ja teie kuplee
mil puudub riim ja puudub lõpp.
Teil ju vaimukust on puudub otsustav hool...
Mul jätkub sest; nüüd lõpp te lool.
STSEEN XV
GONZALVE
O julm kaunitar seda tea
ma sellest tammekirstust lahkuda saa
mind taband saatuse poolt piin
Kui metsade nümf ma vangis olen siin
Mind taband saatuse poolt piin
Tuli välja kaunis süžee
tarvis vormida lauluks see.
"Metsade nümf Hamadrüaad"...
Ettevaatust
muulamehe samm kostab sealt.
Tume rahvas mu värssidest aru ei saa...
STSEEN XVI
RAMIRO
Jah see on alles naine šarmantne kui daam!...
Ta mulle lahkelt siin leides paraja töö
Kord mööbel üles vii kord ülalt alla too
Ja see on alles naine šarmantne kui daam!
Siis veel see kena pood ja tõesti lõbus siin
Kui nii edasi siin mööblit ülesse viin
kindel on siis ei ükski hing
ei tüüta sind hea proua käsku täidan ma.
Tik tak siin ja tik tak sealt
sa pendli lööke kuuled pealt
korrapäraselt kell siin kõike korda seab!...
Dilidon kuis heliseb kell
tin dilidon tal rõõmus meel
justnagu viibiks ma postiveol,
ja siis nii
helisevad kelluksed sääl...
Kui elu muutuma peaks mul
siis kindlasti siin kelli parandaks ma,
jah! selles kellapoes koos tema naisega
CONCEPCIÓN
Senjoor!...
RAMIRO
Kas kell siis ikka ei rahulda teid
Hea! Hea! ma nüüd ta sealt kohe tagasi toon!...
STSEEN XVII
CONCEPCIÓN
Ah! Küll on vast armetu seiklus!
Miks ikka juhtuma peab nii
ühel puudub temperament
teisel vastav kehalaad!
Ah! Küll on vast armetu seiklus
Kaks armund meest end hispaanlasteks peavad!...
Me Doña Sol'i kodumaal
vaid üks samm me Estremadurest!...
See kõik nii loll on loll on loll on...
Oh! milline armetu seiklus!
üks vaevab pead kogu aeg ta
luulevärsse ritta seab
ja teine veidram indiviid
vaevalt kellast välja sai brelokkidega kaetud kõht
ukse vahele kinni tal jäi!...
Aga päev on möödaski nüüd
pea koju jõuab meheraas.
talle truuks ma jääma pean...
paar sammu Estremadurest
Guadalquiviri kallastel...
See kõik nii loll on, loll on, loll on...
Ah, kuis enda rahustuseks siin
tahaks kõik puruks nüüd lõhkuda
siin pihuks põrmuks kõik need asjad...
GONZALVE
Metsade nümf Hamadrüaad...
STSEEN XVIII
RAMIRO
No nii!... nüüd olen siin, olen valmis
tagasi siit viima teise kella
teie kambri, kuis tahate
võin viia mõlemad koos...
Teen siiski nii kuis te soov!
CONCEPCIÓN
Tal on rahulik ilme ja tuju nii hea,
mu soove raskusteks ei pea!
Mängeldes korda kõik seab...
RAMIRO
Señora, öelge oma soov!
CONCEPCIÓN
Tal on alati naeratus huulil!...
Ja muskel nagu tugev raud
tühje sõnu ta suust ei kuule...
Nii vaikne saab olla kui haud!
Minu kambri senjoor, üles minna teil soov?
RAMIRO
Öelge ruttu, millise siit
kaasa ma viin?
CONCEPCIÓN
Milleks kell?
STSEEN XIX
IÑIGO
Mu silmad nii töntsiks on jäänd,
aheneb nukralt horisont.
Amour! sa paha poiss
kuhu mind tõukasid, va tont?!
Kuidas tahan küll koju ma,
mugav leeniga tool ja jalas pehme suss!
Kuid piinlema pean siin, valutab igalpool,
ja lihtsalt olema kuss!
Keegi minust ei hooli siin!
Keegi! Ja nüüd tooge nöör!
Mind kuulge, mind kuulge, mind kuulge!
GONZALVE
Mul tundub, keegi hüüdis mind?
End murran priiusse taas,
mu järel sulgub kirstukaas.
Adieu, mu kong, ma lahkun nüüd.
Kiiver, adjöö ja soomusrüü,
mille kord rüütel oma daamile pühendas.
Adieu, luule käsulaud,
su kõrge poeesia, mis meid ühendas.
Jah, adjöö, mu lauludde puur!
Hinge loitma jääb armuleek.
Adieu!
Saatan küll! Sealt tuleb ta mees!
Tahaks väga vältida
selgitusi ja diskussioone
selleks otsida tuleb vist uus peidukoht...
Kähku!
IÑIGO
Kes see kõnnib siin?
STSEEN XX
TORQUEMADA
OPhho, ütlema peab, mu üllatus on suur,
et mind ootamas siin nii rohke klientuur!
Mu härrad, mul lubage, et tervitan
siin majas teid! Kaua ootasite?
IÑIGO
Mis sellest ikka rääkida nüüd.
GONZALVE
Need kellad tõesti aarded on!
TORQUEMADA
Kindlasti on siin see kell,
mis teile nii meelitav näis.
IÑIGO
Veel enne, kui te siia tulite, senjoor,
uurisin hoolikalt kellasid ma...
TORQUEMADA
See huvi, arvata on täitsa loomulik!
IÑIGO
ja äsja pugesin kappi selleks,
et vaadelda lähemalt pendlit,
tahtsin näha, kuidas sta funktsioneerib.
TORQUEMADA
Jaa!
sest pendel alati ju meid usinalt teenib.
Võin anda pea, te kuskilt paremat ei saa!
Kas võib siis öelda, et meil kaup on koos?
IÑIGO
Ja-jaa!
TORQUEMADA
Ka teid ei taha solvata.
On sellel täpselt sama hind, ta on nüüd teie.
Teil vedas
GONZALVE
Jah, vist küll.
Kui ma kaasa teen selles äris,
ta midagi enam ei päri.
Kuid see kasuahne kommersant on mulle vastik!
TORQUEMADA
No nii! Oleme ühel nõul...
IÑIGO
Vaid üks väikene palve, tõmmake mind, palun,
härrad, välja siit seest...
See kast ei taha hästi mahutada meest...
TORQUEMADA
Ehk tulete teiegi appi, Monsieur...
Ja veel... veelkord... julgelt tiri!
STSEEN XXI
IÑIGO
Senjoor! muulamees te õigel ajal siin!
TORQUEMADA
Ikka ootab veel mind, kus küll oli mu pea?
Mu naine lisks veel ka teie abi hea!...
RAMIRO
Vaat nii!
IÑIGO
Oh sa tont, kus jõud!
CONCEPCIÓN
Jah jõudu tal tõesti küll on!
TORQUEMADA
Kuid teil, mu sõber, enam kella pole!
CONCEPCIÓN
Igal hommikul siin see mees
möödub postimuulaga koos
punktipealt meie ukse eest...
TORQUEMADA
Sellisel juhul öelge tal
te hommikuti, mis on kell.
LÕPUKVINTETT
GONZALVE
Üks finantsist...
IÑIGO
Ja üks poeet...
CONCEPCIÓN
Naeruväärt abikaas...
TORQUEMADA
Ja koketne naine...
KÕIK
Üks finantsist... Ja üks poeet...
Üks naeruväärne abikaas... Ja koketne naine...
GONZALVE
Totraid värsse kasutab siin
mis lühike on või pikk
CONCEPCIÓN, TORQUEMADA, RAMIRO, IÑIGO
Totraid värsse kasutab siin
mis lühike on või pikk
GONZALVE
Lonkavat rütmi kuuled,
riim on kentsakas luulel...
CONCEPCIÓN, TORQUEMADA, RAMIRO, IÑIGO
Ah!
RAMIRO, GONZALVE, CONCEPCIÓN, TORQUEMADA, IÑIGO
mil veidi Hispaania maik on juures
CONCEPCIÓN
Lõpuks Boccacciolt lugeda võime,
hästi lõpetab retke see, kel antud on võime
RAMIRO
tabada õiget hetke, mil saabub armastus.
CONCEPCIÓN
Muulamehe käes on võit!
KÕIK
Tabad õige hetke, saabub armastus!
Muulamehe käes on võit!
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Käsitsi kirjutatud noodirea pealne tekst |